Témoignages sur les Bases Adresses Locales
Comment Grand Paris Sud orchestre les Bases Adresses Locales des communes
Publié par Sophie le 22/09/2022
Avec 352 123 habitants, Grand Paris Sud regroupe 23 communes entre Essonne et Seine-et-Marne. La communauté d’agglomération a engagé une politique volontariste pour accompagner les communes sur leurs Bases Adresses Locales, sans mutualiser l’adressage. Objectif : des communes qui exercent leur pleine responsabilité. Témoignage à deux voix de Dominique Vérots Conseiller communautaire en charge des infrastructures et de l'innovation numériques et Hacène Cherfi, chargé de mission Opendata.
Droit photo supra : DR - Grand Paris Sud / Eric Miranda – Vue de Corbeil-Essonnes
Comment est née la dynamique sur l’adresse ?
Dominique Vérots : ancien ingénieur chez Atos, maire de Saint-Pierre-du-Perray, je suis en charge des sujets numériques pour l’agglomération, dont l’accès à la fibre optique et tous les thèmes « datas ». La direction de l’aménagement numérique de Grand Paris Sud en fait pleinement partie. L’arrivée de la fibre a fait apparaître des problèmes d’adresses.
Hacène Cherfi : cette problématique d’adresse pour la fibre est à l’origine de l’accompagnement que nous proposons aux communes sur leurs Bases Adresses Locales. Les demandes des citoyens passent par la mairie, et nous parviennent lorsqu’elles ne trouvent pas d’issue. Voilà l’origine de notre démarche.
Dominique Vérots : nous avons constaté qu’une partie de la population avait été oubliée dans le plan de déploiement, qu’il s’agisse de logements récents ou anciens. Des riverains ne pouvaient pas souscrire d’abonnement car l’adresse utilisée par les occupants ne correspondait pas à celle des opérateurs de réseau. Nous avons œuvré avec les services de la direction de l’aménagement numérique pour cerner les problèmes. Les référencements d’adresses étaient parfois approximatifs. Nous avons commencé par essayer de redresser la base actuelle et développer un automatisme avec les services communaux lors de la création de nouveaux logements.
Vous avez donc contacté toutes les communes ?
Hacène Cherfi : Dominique Vérots a adressé un courrier à l’ensemble des maires afin que leurs services transmettent les nouvelles adresses le plus rapidement possible aux opérateurs de fibre lors de la création de nouveaux logements ou de changements de nom de voie par délibération. Tout nouveau logement doit bénéficier de la fibre optique jusqu’à l’immeuble, aux habitants de choisir de s’abonner ou pas. Pour éviter les attentes et les échecs de raccordements avec les quatre opérateurs de réseau qui officient sur notre territoire, nous avons décidé d’être proactifs : dès qu’une décision municipale est prise de créer ou numéroter une nouvelle rue, l’information est la plus fluide possible.
À quelle date remonte cette initiative ?
Dominique Vérots : j’ai pris mes fonctions en juillet 2020, le temps de constater la problématique, nous avons lancé l’opération de sensibilisation des maires début 2021.
Et quelles ont été les suites données à ce courrier ?
Hacène Cherfi : des communes se sont déclarées après avoir reçu le courrier pour obtenir davantage d’informations sur la Base Adresse Locale qui leur était demandée. Nous avons alors organisé un certain nombre de réunions bilatérales pour leur expliquer les nouvelles obligations à la suite de la publication de la loi 3DS, de prise en main et de gestion des BAL par les communes.
Dominique Vérots : nous avons fait le tour à la rencontre de tous les maires et techniciens afin d’attirer leur attention sur l’importance de cette action d’information sur les adresses. Les communes ne sont pas toujours sensibilisées, pensent que tout est réglé par ailleurs.
Hacène Cherfi : toutes les communes n’ont pas répondu, certaines ne se sentant pas concernées ou se disant trop petites pour s’engager dans l’adressage. Nous avons donc commencé avec celles qui se sont déclarées et ont trouvé une ressource pour se charger des adresses. Nous essaierons de réaliser la complétude des 23 communes par la suite. Au moins quatre communes ont publié leur base adresse, une commune l’a créée mais pas encore publiée car elle vérifie et complète. Deux autres communes ont déclaré vouloir être accompagnées par Grand Paris Sud, deux autres recherchent qui va réaliser les adresses parmi leurs agents.
C’est un point d’intérêt de savoir « qui gère les adresses »
Hacène Cherfi : dans deux villes que nous avons accompagnées de A à Z, Vert-Saint-Denis (8 238 hab., ndlr) et Bondoufle (10 046 hab., ndlr), la personne chargée de l’urbanisme effectue les mises à jour, accompagnée parfois de chargées de communication.
Dominique Vérots : dans les petites communes de 10 000 à 20 000 habitants, l’adresse n’est pas un sujet très sensible, elles ne disposent pas de spécialistes du numérique sur ces sujets.
Hacène Cherfi : et dans le travail que nous réalisons, nous déconstruisons l’idée qu’il faille un informaticien justement en disant aux communes qu’elles trouvent directement en ligne des outils très simples. Il y a une réflexion à l’échelon national pour simplifier cette gestion pour que les adresses soient renseignées au travers d’un navigateur web. Voilà notre discours : « vous avez besoin d’une souris et de savoir rentrer une adresse dans un champ ». Ce n’est pas pour autant que le personnel se trouve à l’aise.
Dominique Vérots : l’infogérance avance et nous essayons de plus en plus de mutualiser les sujets pour aider. Nous essayons d’accompagner au mieux les communes un peu perdues avec les sujets numériques.
Et quel est le circuit de l’adresse jusqu’à la Base Adresse Locale ?
Dominique Vérots : une fois que la commune fournit l’adresse, Grand Paris Sud suit les écarts avec les autres bases d’adresses et nous travaillons avec les opérateurs de réseau pour qu’ils mettent aussi à jour leurs bases.
Hacène Cherfi : les opérateurs de réseau (i.e., déploiement) utilisent la Base Adresse Nationale. Si l’adresse n’est pas connue dans la Base Adresse Nationale, ils ne l’utilisent pas. Parallèlement, nous effectuons un travail pour rechercher le différentiel entre les IPE (c’est-à-dire les fichiers des opérateurs de déploiement) et la BAN pour signaler les adresses qui leur manquent. Nous venons récemment de greffer la nouvelle base d’information BATID1. Notre objectif est de recouper les adresses avec la base de données nationale des bâtiments.
Comment accompagnez-vous les communes ?
Hacène Cherfi : nous effectuons ce travail d’accompagnement pour faciliter le déploiement de la fibre sur notre territoire et nous agissons au titre de la direction numérique. Nous ne souhaitons pas pour autant que les communes se reposent sur l’agglomération. Nous ne disposons pas des ressources humaines pour réaliser les Bases Adresses Locales des 23 communes. Le travail de recoupement de données s’inscrit dans ce contexte de déploiement de la fibre par des opérateurs de déploiement transcommunaux. Mais la Base Adresse Nationale est responsable de la diffusion des adresses auprès des organismes, impôts, SDIS, etc. Les communes doivent véritablement s’approprier les adresses. La gouvernance de leurs Bases Adresses Locales leur appartient.
Dominique Vérots : nous donnons l’impulsion, les communes doivent poursuivre.
Hacène Cherfi : en cas de problème technique, nous les résolvons avec les communes. Elles ne doivent pas pour autant déléguer la gestion de leurs adresses, ce sont elles qui connaissent le mieux le territoire et qui nomment les voies. C’est bien pour cela que l’État subdivise la question en 36 0002points de résolution.
Rencontrez-vous des spécificités d’adresses à Grand Paris Sud ?
Hacène Cherfi : les communes sont très hétérogènes. Dans les plus petites, la secrétaire de mairie s’occupe de tout et considère que l’adresse est un sujet annexe. Dans de très grosses communes, disposant de plusieurs services, la question se pose face à une nouvelle tâche : qui va l’assurer ? Des services sont tentés de se renvoyer la balle.
L’argument de la fibre a bien fonctionné. Celui du référencement des activités économiques est intéressant
Hacène Cherfi : nous recevons moins de doléances sur ce sujet. Les plaintes des particuliers qui ne parviennent pas à accéder à la fibre sont les plus nombreuses.
Avez-vous des souhaits ?
Dominique Vérots : il faudrait rendre le circuit davantage automatisé, qu’il n’y ait plus d’échange avec les opérateurs de réseau sur les nouvelles adresses par exemple, surtout pour les raccordements des logements neufs.
Hacène Cherfi : effectivement, nous nous heurtons à un important goulot d’étranglement pour les logements neufs. Des délais légaux ont été mis en place prévoyant que six mois avant l’emménagement dans une nouvelle construction, un certain nombre de services doivent être installés. La commune doit avoir créé l’adresse à l’avance afin que tous les raccordements soient réalisés le jour de l’arrivée d’un habitant. Dans la réalité ces délais ne sont pas toujours respectés.
Les outils vont faciliter les signalements et le repérage des problèmes par les communes
Hacène Cherfi : les communes que nous accompagnons, comme Bondoufle, ont commencé les quartiers pavillonnaires, moins denses, où les adresses étaient plus simples à vérifier et certifier. Dans certaines communes, les plus petites et rurales, certaines routes n’ont pas de numérotation. Comment procéder ?
Il est conseillé de créer les voies, le linéaire des voies entre dans le calcul de la DGF et les communes entretiennent ces voies de toute manière. Les voies sans aucune adresse (qui ne desservent aucun local) se renseignent dans la liste des toponymes.
Hacène Cherfi : Bondoufle a également commencé à rattacher les parcelles aux adresses. Cette tâche est très chronophage et je lui ai conseillé de procéder en deux temps, de commencer par mettre à jour les adresses.
Effectivement, cette action est chronophage et ne constitue pas une obligation actuellement. Nous attendons le décret de la loi 3DS pour en savoir davantage. L’outil est prêt pour que les informations puissent être échangées automatiquement avec les DDFiP via la BAN. Actuellement le décret de 1994 prévoit que seules les communes de plus de 2 000 habitants doivent transmettre la liste des adresses au cadastre.
Hacène Cherfi : Chaque ville ou chaque commune a bien un référent au niveau du cadastre ?
Dominique Vérots : c’est bien le service urbanisme qui gère l’interface avec le cadastre avec les permis de construire. Pour cette raison, l’adressage est souvent géré par ce service, même s’il ne figure pas dans les fiches de poste. Il faudrait que ce sujet, avec le numérique, soit davantage intégré dans les priorités en général.
Hacène Cherfi : nous avons remarqué à l’occasion des rapprochements avec les bases des IPE que les opérateurs de réseau retenaient soit une adresse soit l’autre lors d’intersections de voies. Comment procéder notamment pour des entrées différentes ? Il arrive que les opérateurs choisissent une entrée qui n’existe pas dans la BAN.
Lorsqu’un immeuble dispose de deux entrées, une à l’avant et l’autre à l’arrière, vous pouvez renseigner les deux adresses.
Hacène Cherfi : je ne sais pas s’ils sont instruits de ce sujet. L’écosystème comporte les opérateurs de réseau et tous leurs sous-traitants et je ne suis pas certain que toutes les strates soient informées3.
Dominique Vérots : il faut arriver à sensibiliser les maires, élus, services car ils doivent être en pointe sur ces sujet. Nous diffusons l’information. Bien souvent l’adressage se met en place pour éviter aux communes d’être sollicitées par leurs habitants. Les maires doivent être davantage sensibilisés aux sujets numériques.
Effectivement et nous nous efforçons aussi de faire comprendre aux communes que des outils simples sont à leur disposition, sans besoin de compétences techniques.
Hacène Cherfi : il faut désenfler la démarche, déconstruire les a priori. L’interface Mes Adresses est vraiment simplissime, le tout est d’expliquer une fois. La structure de mutualisation accompagne les communes sur l’adresse mais ne « fait pas à leur place ». Les communes doivent véritablement être en charge de l’adresse et responsable. Elles s’en trouvent valorisées, deviennent propriétaires de leurs adresses et de leur territoire. Le message est simple « nous allons vous aider, chaque fois que vous avez un problème, nous sommes à l’écoute. Mais vous faites, vous mettez à jour votre Base Adresse Locale ».
Entretien réalisé le 7 juillet 2022
Notes
1 https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/base-de-donnees-nationale-des-batiments-version-0-6/
2Nombre de communes, arrondi.
3Nous avons appris par la suite qu’un système d’alias était en préparation.