Témoignages sur les Bases Adresses Locales
Marseille, modèle de contribution à la Base Adresse Nationale
Publié par Sophie le 03/02/2023
En novembre dernier Marseille a publié sa Base Adresse Locale dans la Base Adresse Nationale via l’API de dépôt. La deuxième ville de France met ainsi à disposition des utilisateurs plus de 95 000 adresses, certifiées à plus de 99 %. Outre la certification, la qualité des données vient se nicher aussi dans le référencement des quartiers, chers aux Marseillais. Retour sur une expérience de quatre mois. Un modèle du genre.
Nicolas Pelayo, vous êtes chef de Projet Valorisation de la donnée à la Ville de Marseille. La 2eVille de France parvient à publier une Base Adresse Locale quasiment 100 % certifiée en quatre mois et votre témoignage pourra faire école auprès d’autres grandes villes. Alors quel a été votre cheminement ?
Nicolas Pelayo : Nous avons bénéficié d’un alignement de planètes (rires, ndlr.) Quand je suis entré à la Mairie, j’ai pu m’approprier les sujets concernant la cartographie grâce à mes collèguesde l’équipe SIG (Système d’Information Géographique ). Puis j’ai découvert le sujet des API, tout nouveau pour moi.
J’ai aussi suivi une formation à FME, un outil de transport de données ETL géospatiale. J’ai profité de la formation pour poser des questions précises sur les API, la mise en place de ces flux, etc. Cela m’a donné une belle accélération.
Sur la démarche d’ensemble vous avez donc travaillé avec d’autres services ?
Nicolas Pelayo : Le projet s’inscrit dans une démarche globale d’ouverture de données, bien commun numérique, impulsée par Christophe Hugon, Conseiller municipal Délégué à la transparence, à lʼopen data municipal et au système dʼinformation, au numérique de la ville, au numérique responsable et à la transition numérique.
Mon service Valorisation des données et SIG travaille en collaboration avec les services de notre collectivité sous cette impulsion politique.
Concernant ce projet, j’ai effectivement présenté le sujet à mes collègues de la Direction de l’Espace Public et de la mobilité en charge de la gestion de la donnée « adresse ».
J’ai expliqué le contexte : la loi 3DS. Notre base d’adresses publiée dans la Base Adresse Nationale était obsolète, issue de sources difficiles à retracer. Elle présentait de nombreux « trous dans la raquette » sans aucune validation, aucune certification.
J’ai travaillé avec la responsable du service en charge de la numérotation des bâtiments. Dans son équipe, deux personnes s’occupent du suivi quotidien, y compris en se déplaçant, pour bien géolocaliser les adresses.
Elle m’a précisé le processus de certification des adresses : toute la partie de vérification est réalisée en amont de l’enregistrement des données en base. Une donnée qui existe dans la base a donc déjà été vérifiée lors de séances de travail en amont. C’est pour cette raison que je lui ai proposé de certifier par défaut toutes les adresses qui n’étaient pas « en anomalie ».
En complément nous avons mis en place un suivi des anomalies au travers d’un tableau de bord et les avons exclues de l’extraction envoyée à la Base Adresse Nationale.
Voici le flux de données :
Lors de ces échanges, j’ai reprécisé les champs nécessaires.
C’était très utile de bien tout balayer pour vérifier ensemble si tous les champs étaient ou non à jour.
Nous avons ainsi constaté que le champ cad_parcelle était complété à 80 % seulement. Techniquement, cela veut dire que la personne chargée de la saisie dans le SIG a parfois placé le point hors de la parcelle, ce qui rend difficile un regroupement a posteriori.
Nous devons nous améliorer sur ce point car cette information cadastrale n’est pas encore obligatoire mais pourrait le devenir.
Effectivement ce champ facilite les réutilisations par la DGFiP.
Nicolas Pelayo : Nous allons faire ressortir ces parcelles manquantes en « anomalies » dans le système afin de les identifier et les traiter manuellement.
Pour le reste, je n’ai pas rencontré de problèmes. En prime, l’existence du champ lieu-dit_complement_nom nous a permis de préciser les noms des quartiers. Je n’ai pas eu de soucis pour retrouver les informations, à part qu’en tant que nouvel arrivant, il a fallu que je me familiarise avec les données de type géographique de la ville.
Alors comment avez vous procédé en arrivant ainsi sur un sujet « tout nouveau » ?
Nicolas Pelayo : Nous avons mis en place un tableau de bord pour distinguer les anomalies. J’ai été surpris de leur faible nombre. Sur 91 305 adresses, on n’en trouvait que 3 226.
Ces anomalies concernent par exemple les noms de voie inconnues du référentiel, un numéro qui ne correspond pas au nom. Avec les nombreuses corrections réalisées, nous comptions quelques semaines plus tard moins de 2000 anomalies. Certaines, d’ailleurs, ne constituent pas des erreurs : il s’agit d’adresses qui se situent de 25 à 50 mètres de la voie.
Cette distance peut provenir d’entrées privées fermées ?
Nicolas Pelayo : Oui ou des entrées perpendiculaires à la voie. Nous avons placé toutes ces anomalies sur une cartographie. Chaque anomalie ressort dans une couleur différente.
Bien souvent, ces anomalies sont concomitantes, très rapprochées. En général, quand on trouve la raison pour l’une d’entre elles, on corrige une dizaine voire une quinzaine d’adresses en même temps.
Nous avons créé une typologie d’anomalies que nous classons par arrondissement pour faciliter le pilotage du chantier de mise en qualité puisque le travail des agents est également réparti par arrondissement.
Ces adresses « en anomalie » remontent bien dans la BAN mais sans être certifiées.
Le travail de fond avec la résolution des adresses en anomalie est mené au quotidien par la Division réglementaire de la Direction de l’espace public et de la mobilité. Et de notre côté, service informatique, nous avons réalisé tous les développements, les aspects sécurité, le connecteur API et nous avons pu créer l’interface FME. J’ai réalisé les tests techniques grâce à la clé que vous m’avez communiquée et nous avons mis en production le 17 novembre 2022.
En tout, cela vous a pris trois mois ? Quatre mois ?
Nicolas Pelayo : Nous avons commencé en juin 2022. J’ai créé la requête assez rapidement, même si elle n’était pas finalisée. J’ai récupéré assez vite les adresses. Puis nous avons affiné la requête, créé le tableau de bord des anomalies.En septembre, nous avons réalisé la partie FME, tout en commençant à nous intéresser à l’API de dépôt. Nous sommes passés à la partie test et enfin la partie validation auprès des élus et des directeurs.
La mise en production a été effectuée au moment où nous l’avions prévu initialement.
Avez-vous mis en place une routine de mise à jour ?
Nicolas Pelayo : Oui c’est très simple. Avec le script FME en place, nous avons programmé une mise à jour tous les premier du mois à minuit - en fonction de notre exploitation car nos services informatiques ont bien d’autres actions. Tout est automatisé mais je surveille de près ce sujet pendant quelques mois.
Les services de la Ville de Marseille sont-ils au courant de la mise à jour des adresses et savent-ils comment procéder en cas de signalement de problème ?
Nicolas Pelayo : Une communication générale sur le réseau interne et une communication ciblée vers les utilisateurs internes ont été faites.
L’objectif de cette certification est bien de remplacer tous les envois papier ?
Nicolas Pelayo : Nous avons déjà un retour de la Division réglementaire de la Direction de l’espace public et de la mobilité. Jusqu’à présent, chaque fois que ce service recevait un courriel d’un notaire, il devait effectuer des recherches et fournir des renseignements au coup par coup. Le fait que la BAN soit à jour avec nos propres adresses va permettre de déléguer cette recherche d’informations en passant directement par la BAN.
Je pense que nous allons retirer d’autres plus-values dans d’autres services, notamment pour les mairies de secteur qui travaillent de leur côté. Elles disposent ainsi d’un outil central qui va grandement les aider.
Je reste impressionnée par les délais très courts. D’autres très grandes villes ont besoin de plusieurs mois de réflexion. Dans mon souvenir vous avez même testé Mes Adresses ?
Nicolas Pelayo : Oui tout à fait. J’ai essayé, mais importer la BAN plantait, compte tenu du trop grand nombre de données.
Ce fut un petit challenge d’utiliser les connecteurs API. J’ai trouvé cela « magique ». Déjà, c’est rapide. Quand on envoie l’information, on reçoit le retour de l’API en moins de 10 secondes. C’est vraiment bien : nous avons ainsi pu travailler sur l’automatisme, l’envoi et la bonne réception des informations. Et en fonction de la bonne réception des données, nous avons pu créer des flux de type mail qui remontent en cas d’anomalie.
Vous vous êtes complètement approprié l’API...
Nicolas Pelayo : À première vue, la documentation semble un peu compliquée. Mais lors de la formation sur l’outil FME, j’ai eu la chance d’avoir un spécialiste qui m’a bien expliqué les API. Ce n’est pas compliqué. Et une fois qu’on a compris « le truc », c’est toujours la même chose : on envoie une requête et on reçoit un retour qu’il faut savoir analyser.
Vous comptez faire école avec les communes autour de Marseille ?
Nicolas Pelayo : Pourquoi pas ! C’est à voir avec mon responsable. Je suis tout à fait partant pour accompagner, pourquoi pas Aubagne, si la commune ne s’est pas lancée dans l’API de dépôt, ou d’autres communes autour de Marseille.
Vous pouvez rejoindre les partenaires de laCharte de la BAN ?
Nicolas Pelayo : S’ils ont besoin d’aide sur les outils FME, je peux les accompagner sans problème.
Et vous montrez l’exemple d’une méthode de travail avec les autres services...
Nicolas Pelayo : Venant tout juste d’arriver, j’avais besoin d’accompagnement pour comprendre l’état des données.
J’ai pu compter sur votre aide, le support BAL et BAN en général, et tout ce qui est autour - le blog, le forum et les webinaires. Tous les contacts que j’ai eus par mail, slack, m’ont apporté des réponses rapides et efficaces. On est bien accompagné, on n’est pas laissé « tout seul ».
Propos recueillis le 21 novembre 2022 par Sophie Clairet
Image mise en avant : Vue d’ensemble sur le Vieux-Port, cliché Nicolas Pelayo.