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Témoignages sur les Bases Adresses Locales

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Regard de l’AMF de la Drôme sur l’adresse légale des communes

Publié par Sophie le 11/07/2023

L’AMF de la Drôme accompagne les élus des communes sur de nombreux sujets, dont l’adresse légale.
Sa directrice, Christine Priotto, ancienne maire qui a réalisé le plan d’adressage, détaille les enjeux d’un déploiement harmonieux des services demandés aux communes. Une approche de terrain qui interpelle les autres acteurs, autres services de l’État, communautés de communes, sociétés, partenaires...

Comment en êtes-vous arrivée à accompagner les élus sur l’adresse ?

Christine Priotto : ancien maire pendant douze ans, je suis directrice de l’Association des maires et des présidents d’intercommunalités de la Drôme (AMF26). Les communes sont nombreuses à constater très concrètement que leurs adresses ne sont pas référencées sur les GPS. Souvent, elles nous interrogent pour savoir qui contacter. Et la plupart d’entre elles ne pensaient pas être responsables de l’enregistrement des informations d’adresses.

Pour répondre à leurs sollicitations et voir comment les accompagner le plus simplement possible, je me suis rapprochée de l’ANCT. Nous espérons que de plus en plus de communes drômoises vont s’engager dans la démarche, l’adressage étant utile pour de très nombreux services, à commencer par l’accès des secours. La Drôme est un département touristique, les visiteurs recherchent des hébergements sur des outils qui utilisent les adresses. L’intérêt de renseigner une Base Adresse Locale (BAL) est évident. Actuellement, un peu plus de 50 % de nos communes ont au moins entamé la démarche et nous allons faire notre possible pour les aider.

Capture d'écran du tableau de bord du déploiement des Bases Adresses Locales centré sur la Drôme- 11 juillet 2023

Au vu de votre expérience, quel est votre retour sur les écueils et enjeux ?

Christine Priotto : les BAL n’étaient pas encore à disposition lorsque j’ai réalisé l’adressage en 2017. Nous avions terminé notre plan d’adressage mais ne savions pas à qui le communiquer. À l’époque, notre sujet était donc de savoir qui contacter pour que notre travail soit utilisé.

Nous avons trouvé un interlocuteur, une entreprise privée locale spécialisée dans les SIG1, et l’avons rémunérée pour qu’elle renseigne notre adressage auprès de l’Institut Géographique National. Nous n’avons pas transmis notre adressage directement à la Base Adresse Nationale.

Et au titre des enjeux forts, je pourrais citer la mise à jour des listes électorales. Lors des dernières élections, nous avons constaté que La Poste et Adrexo n’acheminaient plus les plis si les adresses n’étaient pas libellées correctement. Lorsqu’une adresse passe du « Quartier des Glycines » au « 12, rue des Glycines », l’habitant n’a pas le réflexe de signaler le changement d’adresse à la commune pour corriger les listes électorales. De nombreuses communes ont transmis à l’INSEE un fichier d’adresses qui n’était pas à jour. En conséquence, lors des dernières élections, les retours de cartes et de documents de propagande électorale non distribués furent vraiment nombreux. Nous avons bien demandé aux mairies de mettre à jour les listes électorales, travail fastidieux qui consiste à renseigner, pour chaque électeur inscrit, le complément adresse tel que prévu par le plan d’adressage. Si les citoyens ont bien le réflexe d’informer leur caisse de sécurité sociale, ils n’ont pas le même réflexe vers la mairie puisque c’est la mairie qui procède à l’adressage.

Nous nous rapprochons de l’INSEE afin d’avancer sur ce sujet des adresses des listes électorales. En filigrane, vous dites aussi que des communes disposent de plans d’adressages mais que ces adresses ne sont pas remontées dans la BAN ?

Christine Priotto : c’est exactement cela. Dans les communes qui ont réalisé récemment un plan d’adressage, le prestataire a pu les encourager à enregistrer les adresses dans la BAN. En revanche, celles qui y avaient procédé sur les dix dernières années disposent de plans et de listes, mais ne les ont pas communiqués sur les systèmes d’information géolocalisée.

C’est aussi une bonne nouvelle : de nombreuses adresses existent, il suffira de les transmettre !

Christine Priotto : exactement. Ces communes ne partent pas de zéro, même si parfois leurs adresses dans la Base Adresse Nationale sont très lacunaires.

Vous venez d’organiser un webinaire pour accompagner les communes de la Drôme et faciliter l’information aux communes.

Christine Priotto : effectivement car je constate un manque. Il n’existe pas de recensement par les services de l’État des actions conduites par les communes. Prenons l’exemple du diagnostic amiante : une loi de 1997 leur demande de l’effectuer, mais sans recensement par la suite. Impossible de savoir qui s’est conformé à la demande. Il en va un peu de même pour l’adressage. J’ignore si toutes les communes de la Drôme disposent d’un plan d’adressage. Si tel était le cas, il me suffirait de contacter celles qui n’en ont pas pour les accompagner. Lorsqu’une réglementation entre en vigueur, le message envoyé aux communes est « il faut le faire », mais le résultat n’est pas enregistré. Gardons en tête que la situation est très hétérogène, entre de très grandes communes et des petites, certaines fonctionnant très bien parce que les agents municipaux sont très impliqués, d’autres moins bien, sans secrétaire de mairie pendant six mois. Vous imaginez bien que le maire a bien assez à faire avec son quotidien et quand arrive la loi qui lui demande un plan d’adressage, le sujet passe au second plan, puis il l’oublie.

Quel message porter ? Demander aux communes de mener une action se heurte au principe de réalité par manque d’agents sur le terrain pour vérifier ou accompagner les communes.

La question à laquelle nous sommes confrontés est simple : comment un État peut continuer à imposer des actions sans avoir les moyens de les faire appliquer. En tant que maires, nous nous assurons d’avoir les moyens de nos politiques et nous renonçons parfois à des décisions.

Le tournant de l’open data précède cette demande de mise à jour des adresses, certes, pour les communes de plus de 3500 habitants seulement.

Christine Priotto : pour avoir échangé avec un agent travaillant pour une agglomération de taille importante, je peux vous assurer que cette loi sur l’open data est très peu respectée. Le référent n’est pas nommé, les services ne sont pas formés, etc. Et les raisons à cet état de fait sont nombreuses.

Nous allons faire tout notre possible pour que les communes s’inscrivent dans la démarche d’adressage, mais gardons en tête que, sur le terrain, la mobilisation nécessaire n’est pas toujours là pour que les décisions soient suivies des faits. Une mairie gère de très nombreux sujets tout aussi prioritaires.

Une architecture est à penser, comment les plus petites communes vont pouvoir réaliser cette mise à jour. Dans les toutes petites communes, ce sont souvent les élus qui s’en chargent.

Christine Priotto : on rêverait de pouvoir compter sur une ou deux personnes, par exemples qui dépendent de la Direction départementale du territoire (DDT). Elles seraient Chefs de projet adressage et pendant deux ans, par exemple, ne feraient que cela : contacter les communes, regarder où elles en sont. Au bout de deux ans, elles pourraient fournir une estimation exacte de l’avancée de l’adressage dans la Drôme.

Certains départements accompagnent les communes, le Calvados, le Gers, la Vendée.

Christine Priotto : dans ce cas, ce sont les collectivités qui accompagnent, pas des agents de l’État.

Des agents de l’État, les Conseillers aux Décideurs locaux (CDL) conseillent des communes sur l’adresse dans certains départements.

Christine Priotto : ce sont des agents du Trésor public ! Mais pourquoi pas !

D’une certaine manière, le cadastre est le premier concerné effectivement. La loi 3DS modifie le circuit de remontée des adresses qui transitaient par les DDFiP, qui mettaient à jour le cadastre. Elles reprendront désormais les adresses dans la BAN que les communes auront mises à jour.

Christine Priotto : le service du cadastre est actuellement submergé de demandes et ne parvient plus à participer aux commissions communales d’impôts locaux, organisme qui se réunit une fois par an pour mettre à jour les bases. Et les délais d’enregistrement au cadastre se sont allongés.

La situation se complique effectivement dans les territoires où l’urbanisation avance et la Drôme est un département touristique !

Christine Priotto : voilà encore un autre sujet qui nous arrive avec Zéro Artificialisation Nette (ZAN). L’État demande aux communes d’appliquer la décision, alors que les maires ne sont pas parlementaires et n’ont pas voté la loi. Nous aimerions autant que ce soit l’État qui vienne expliquer aux habitants qu’ils n’ont plus le droit de construire. Second problème : les moyens des communes sont restreints, elles ne peuvent pas embaucher à l’infini.

Nous constatons que ces lois récentes ne correspondent plus à la pratique précédente de décentralisation où l’on confiait aux communes des responsabilités et des libertés. Lorsqu’on s’appuie sur les communes pour mettre en œuvre des politiques décidées par l’État, ce n’est plus la décentralisation. Cela pose un problème, c’est ce que l’AMF essaie de défendre.

J’ai découvert que la communauté de communes de Porte DrômArdèche accompagne les communes et a mis en place une sorte d’aspirateur à adresses : toutes les communes de son territoire sont couvertes.

Effectivement, Porte de DrômArdèche fait partie des Partenaires de la Charte. Cette communauté de communes met en place une mutualisation de moyens, c’est souvent le cas de celles qui gèrent les permis de construire.

Christine Priotto : cela veut dire que ces communautés de communes disposent de géomaticiens.

Dans ce cas, cela fait passer l’adresse de donnée politique au départ, décidée en Conseil municipal, à donnée technique.

Christine Priotto : ce n’est alors pas la même stratégie. Je vais les contacter pour vérifier si leur approche peut inspirer d’autres intercommunalités. Nous en comptons onze dans la Drôme !

Certaines communautés de communes choisissent d’autres stratégies : elles ne gèrent pas l’adressage pour les communes mais les aident à initialiser leur Base Adresse Locale et apportent un support au besoin.

Christine Priotto : c’est le cas de Valence Romans Agglo, il me semble. Cette communauté de communes dispose de plusieurs géomaticiens, excellents, mais n’a pas mis en œuvre d’accompagnement des communes. Les agents ont d’autres sujets à gérer en priorité. Si les communes sentent qu’elles peuvent compter sur un accompagnement de proximité, c’est déjà un premier pas !

À cela s’ajoute le problème de la formation des élus, divisée par dix depuis qu’une identité numérique est demandée. L’organisme qui propose d’en délivrer une rencontre des difficultés à tenir ses promesses dans un cas sur deux chez nous. Pour être honnête d’ailleurs, il rencontrait déjà des difficultés à réaliser le plan d’adressage que je lui avais confié - au bout de trois ans, la prestation n’étant toujours pas terminée, j’ai dû faire appel à une autre entreprise pour terminer la mission.

Les communes sont invitées à bien vérifier les délais lorsqu’elles délèguent la réalisation de leur adressage légal !

Christine Priotto : avant que je découvre les entreprises Partenaires de la Charte de la Base Adresse Locale dans la Drôme, Signa Concept et Anne Legault, j’avais contacté une connaissance geek et intéressée par les nouvelles technologies, en l’invitant à se lancer dans l’adressage. Avez-vous une idée des tarifs ?

Hélas non, nous ne nous occupons pas des tarifs. Si une commune souscrit à une prestation, il est important qu’elle délègue les tâches les plus chronophages, comme les vérifications de terrain. La mise à jour sur Mes Adresses n’est pas le plus long à réaliser.

Christine Priotto : effectivement et la mairie peut aussi demander à des stagiaires, étudiants, etc., quelques vérifications sur le terrain.

Effectivement, et la contribution à des communs numériques figure dans le Programme de seconde en Sciences numériques et Technologiques. Les étudiants peuvent aider, ou au contraire aller vérifier sur le terrain.

Christine Priotto : cela me fait penser aux carnets de voyages des géographes qui partaient en reconnaissance de territoires inconnus.

Dans ma commune, j’avais demandé à un agent un peu démobilisé et en fin de carrière de vérifier les numéros. Féru de randonnée, il a parfaitement accompli cette mission de terrain en deux mois.

Des formations seront proposées aux agents et nous sommes en contact avec le CNFPT. La communication va se développer à publication du décret.

Christine Priotto : je vous recommande d’éviter d’envoyer des courriers de trois pages aux élus. Un maire sur deux ne le lit pas, surtout en cas de liens non cliquables. Nous avons mis en place une newsletter tous les 15 jours pour les communes et j’y relaie des infos de la Préfecture parce que nous sommes lus : la mise en forme est agréable et l’envoi ne se fait pas tous les jours, 3 lignes, 10 lignes. Les élus ne peuvent pas être bombardés d’informations tous les jours. Et le langage utilisé doit être simple.

Notre société française est très avancée, avec des réflexions nourries, complexes. La démocratie s’ancre d’abord sur des élus locaux, des gens comme vous et moi, et pas des techniciens. L’État se plaint que nous ne consommons pas les crédits d’appels à projets . Mais les formulaires sont incompréhensibles. Le maire ne comprend pas comment il peut s’inscrire dans un système aussi complexe. Il faut vraiment simplifier. Les gens se sentent oppressés par un service public tellement complexe qu’ils sont marginalisés, souvenons-nous des gilets jaunes. Nous avons besoin de services publics simples et humains. Pour moi, c’est un vrai sujet. L’adresse est simple, elle doit le rester.

Cliché Christine Priotto

Propos recueillis le 9 juin 2023

1Système d’Information Géographique

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