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Témoignages sur les Bases Adresses Locales

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Saint-Barthélemy : la précision et l’adhésion au cœur d’un chantier d’adressage

Publié par Olivier le 14/03/2024

Fin février, la collectivité de Saint-Barthélemy a publié sa Base Adresse Locale dans la Base Adresse Nationale via la plateforme Mes Adresses. Plus de 5200 adresses, certifiées à 100%, 646 voies et 25 lieux-dits dénommés. Retour sur un chantier d'une grande qualité, qui a nécessité plus d'un an et demi de travail, avec Fabrice Querrard, conseiller territorial.

#témoignage

Fabrice Querrard, votre commune a réalisé une BAL très complète en peu de temps. Pouvez-vous revenir sur ce projet, quand est-il né, qu'est-ce qui l'a motivé ?

En préambule, il faut préciser que Saint-Barthélemy a un statut un peu particulier : collectivité d'outre-mer (COM) depuis 2007 et pays territoire d'outre-mer (PTOM) depuis 2012. En tant que collectivité, elle exerce à la fois la compétence d'une commune, d'un département, d'une région et même de l'État sur certaines thématiques (environnement, circulation et urbanisme notamment). À l'heure actuelle, il y a encore des compétences que la collectivité n’exerce pas.

Lorsque la nouvelle équipe a été élue en mars 2022, nous avons fait le constat de l'absence quasi totale de données, quelles qu'elles soient, sur la collectivité. Et concernant les données d'adresses, le besoin était urgent car nous rencontrions de nombreux soucis de délivrance postale ainsi que des problèmes de localisation pour les services de secours, le tout dans un contexte de densification urbaine.

Photo illustrant la complexité et la densité de l’urbanisme sur Saint Barthélemy

En effet, Saint-Barthélemy a une double insularité, car bien que nous ayons nos propres services de secours (STIS - Service territorial d'incendie et de secours) et services hospitaliers, certaines urgences ne peuvent être gérées à l'échelon local et nous sommes alors dépendants de services situés en Martinique, Guadeloupe ou à Saint-Martin, auxquels nous faisons appel. Lors de ces interventions, chaque minute compte, et une bonne localisation est indispensable.

Nos pompiers avaient déjà proposé un système de géolocalisation précis, mais qui avait pour défaut de ne pas être mnémotechnique ni de permettre d'identifier les voies d'accès. Pour nous, l'enjeu était de se doter d'un système qui soit à la fois précis et parlant pour les administrés.

C'est un gros travail que vous avez réalisé, plus de 5200 adresses. Combien de personnes ont été mobilisées et en combien de temps avez-vous mené ce chantier?

En juin 2022, nous avons décidé de lancer le chantier de l'adressage en créant une Base Adresse Locale (BAL). Particularité dans notre cas, nous avons dû partir de zéro, car contrairement à la majorité des communes de métropole, aucune adresse d'assemblage n'était proposée pour initier notre BAL, aucune base préexistante à laquelle se référer...

Notre connaissance en matière d'adressage étant limitée, nous avons entamé notre démarche en cherchant des ressources en ligne. Celles que nous avons retenues ont été les manuels disponibles sur adresses.data.gouv.fr. Par la suite, nous avons abordé le processus d'adressage de manière méthodique, en constituant une équipe restreinte composée de moi-même, d'un collaborateur des services techniques et d'un membre du service de communication. L'île de Saint-Barthélemy étant confrontée à des problèmes de recrutement, principalement en raison de l'élévation des coûts de la vie, nous avons été contraints à réaliser ce projet avec un nombre réduit de collaborateurs.

Quelles étaient les spécificités locales ? Je vois que vous avez beaucoup de types de voies très spécifiques : “descente”, “fond”, “morne”, “ravine”, “voute”…

Nous avons choisi d'adopter une granularité très fine dans la création des voies de Saint-Barthélemy, en traçant même les rues de quelques mètres seulement, dans un souci de précision et pour refléter au mieux les spécificités locales. Les types de voies retenus, comme les "descentes", "fonds" ou "mornes", font directement écho à la topographie escarpée de l'île, avec ses collines, ses vallées et ses ravines avec comme référentiel le fichier FANTOIR.

Carte de Saint-Barthélémy avec l'ensemble des voies tracées

La numérotation classique a été conservée lorsqu'elle préexistait, mais nous avons opté pour le système métrique partout ailleurs, une solution particulièrement adaptée au développement urbain important que connaît le territoire. Même si ces choix ont pu surprendre les habitants au départ, ils en ont rapidement compris la logique et les avantages après quelques explications. Ce système d'adressage sur-mesure est ainsi réellement ancré dans son environnement.

Vous avez également ajouté beaucoup de lieux-dits, le nommage de ces nombreuses voies et lieux-dits a-t-il été complexe à définir ?

Nous avons été particulièrement attentifs à conserver les lieux-dits. Ainsi, toutes les adresses de notre collectivité possèdent un lieu-dit en complément d'adresse. C'était très important à nos yeux afin de conserver la notion de quartier propre à notre île. Cela a permis d'une part de rattacher chaque adresse à un quartier/lieu-dit (25 quartiers sur l'île) et ainsi de conserver l'historique des lieux, ce qui est très important pour nos administrés.

Nous avons aussi consulté les anciens, les habitants garants de la mémoire des lieux... pour déterminer les noms les plus appropriés. Cette consultation s'est réalisée de manière anonyme pour éviter toute autocensure dans les témoignages ou tout risque de conflit. En effet, même si l'on s'est donné quelques règles (ne pas utiliser le nom d'une personne encore en vie, ne pas utiliser tel ou tel nom de famille pour le nommage des voies), il fallait éviter que ces propositions de noms ne génèrent des querelles ou un quelconque sentiment d'embarras au sein de la population.

Justement, comment avez-vous géré l'acceptation de ce nommage, avez-vous associé la population dans ce choix des noms ?

À partir des noms que nous avons collectés, nous avons dressé une liste de propositions et organisé des réunions par quartier.

Une réunion de quartier sur l'adressage organisée par la collectivité

Concrètement, nous avons imprimé et distribué des plans de quartier avec en regard le nom des voies proposées. Soit les propositions étaient acceptées, soit elles étaient rejetées et alors nous devions re-travailler pour aboutir à de nouvelles propositions plus en adéquation avec les attentes des administrés. L'objectif était bien de définir des noms qui fassent le plus consensus.

Un exemple de plan de quartier, avec les propositions de nommage, soumis aux habitants

La seule règle systématique que nous avons établie concerne les routes principales de chaque quartier : elles portent toutes le nom du quartier qu'elles traversent. Ainsi, pour le quartier « Lurin », l'axe principal a été nommé « Route de Lurin ».

À la suite des réunions publiques, nous avons ouvert une consultation pour permettre à tous les habitants de s'exprimer, que ce soit ceux qui n'ont pas souhaité prendre la parole en public, ceux qui n'ont pas pu assister aux réunions ou simplement ceux qui avaient besoin d'un temps de réflexion supplémentaire. Ils ont pu faire des propositions via un formulaire en ligne, une adresse électronique ou encore en se déplaçant à l'hôtel de la collectivité.

Ces suggestions ont ensuite été étudiées par les élus du conseil territorial. Celles qui semblaient pertinentes ont été validées, tandis que les autres ont été écartées. L'ensemble des propositions retenues a finalement été présenté au vote lors du conseil territorial de décembre 2023.

À chacune de ces étapes, nous avons informé la population à travers différents canaux de communication, que ce soit sur les radios locales, les réseaux sociaux, etc. Grâce à cette information, et suite à l'organisation des réunions de quartier, les habitants ont très bien compris l'intérêt de ce chantier et nous avons pu obtenir l'adhésion à ces propositions de nommage.

Pour la suite, avez-vous défini une procédure afin d'effectuer des mises à jour régulières de votre BAL ou procédez-vous sur demande de vos administrés ?

Désormais, c'est notre service d'urbanisme qui reprend la main pour gérer le flux. Pour chaque nouvelle construction, et donc chaque ajout de point adresse. Mais aussi pour toute création de nouvelle voie, nous continuerons de consulter les habitants. Ainsi, lorsqu'un projet nécessite une telle création, le service de l'urbanisme proposera dans son formulaire le nom de la nouvelle voie qui devra être approuvée par les résidents de celle-ci.

Quels sont désormais vos futurs projets en lien avec l'adressage ?

Nous souhaitons fortement compléter notre SIG (Système d'information géographique) pour permettre aux pompiers de connaître la largeur et la pente des routes, et ainsi déterminer s'ils peuvent accéder à telle ou telle voie avec leurs engins de secours. Le point GPS n'est en effet pas suffisant, il faut pouvoir déterminer les modalités d'accès.

Nous disposons également d'un portail OpenData sur lequel nous souhaiterions intégrer nos données adresses. Pour nous c'est un moyen de centraliser l'information et sa diffusion auprès de nos administrés.

Nous mettrons enfin à disposition une adresse électronique dédiée aux signalements ou demandes de corrections des adresses. Très prochainement, nous allons proposer une « application citoyenne » à nos administrés. Nous souhaitons qu'elle puisse notamment leur permettre de nous signaler d'éventuels problèmes d'adressage.

L’adresse est donc au cœur de vos projets numériques ?

Nous travaillons actuellement sur un schéma directeur des usages et services numériques et l’adressage est un pré-requis nécessaire pour avancer sur ces sujets. Je suis donc pleinement convaincu de l’importance d’un adressage complet et précis.

Propos recueillis le 7 mars 2024 par Olivier Bourreau

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