Témoignages sur les Bases Adresses Locales
Rougon : création d’une Base Adresse Locale de A à Z, partage et innovation
Publié par Sophie le 24/02/2022
Petit village de Provence peuplé de 116 habitants, Rougon s’est doté d’une Base Adresse Locale complète alors qu’aucune adresse n’était référencée. Gilles Bossuet, conseiller municipal détaille une démarche vertueuse qui aboutit à 100% des adresses certifiées avec 35 voies, 28 lieux-dits, 199 numéros et les parcelles cadastrales renseignées dans la Base Adresse Nationale. Le site Internet de la commune encapsulera la Base Adresse Locale pour associer les adresses aux informations patrimoniales et touristiques.
Rougon est situé au cœur d’un site touristique des plus remarquables de Provence. Le village ne disposait toutefois d’aucune adresse dans la Base Adresse Nationale. D’où est venu le processus d’adressage, quand et comment avez vous commencé ?
Gilles Bossuet : aucun nom de rue n’était référencé, seulement des noms de hameaux, ce qui constitue finalement un avantage car nous n’avons pas eu d’erreur à corriger. En 2019, le précédent conseil municipal a mis en place les noms de rues dans le village, uniquement dans le centre et posé les plaques. La nouvelle municipalité a souhaité poursuivre le travail commencé, ajouter la numérotation jusque dans les écarts, comme on dit ici, c’est-à-dire l’extérieur du village.
Et vous avez cherché un outil pour renseigner vos adresses ?
Gilles Bossuet : en septembre 2020, nous avons commencé à renseigner le Guichet adresse de l’IGN. Un habitant du village travaillait à l’IGN et nous avait indiqué cette possibilité. C’est ainsi que nous avons commencé. J’étais un peu isolé bien que la personne de l’IGN nous aide, un peu comme vous l’avez fait. J’ai pris contact avec l’élue en charge des adresses dans la commune voisine de La-Palud-sur-Verdon. Nous avons discuté : il est très important de pouvoir échanger avec les communes voisines lorsqu’elles font une base adresse.Cette élue m’a convaincu de passer sur une Base Adresse Locale avec “Mes Adresses” et c’est ce que j’ai fait. Nous avons créé une équipe de trois personnes du conseil municipal et la secrétaire de mairie.
Effectivement les outils ont convergé vers l’éditeur “Mes Adresses”, nous travaillons ensemble. Vous avez donc créé une petite équipe pour couvrir l’ensemble du village. Combien de temps avez vous mis pour réaliser tout l’adressage ?
Gilles Bossuet : nous avons commencé fin novembre 2020 et j’ai publié la Base Adresse Locale le 1er mai. La secrétaire de mairie avait établi un simple tableur détaillé sur lequel elle avait renseigné le nom des rues et tous les noms des différents habitants. Ce document à usage interne fut vraiment très utile au départ. Nous l’avons complété avec les noms des hameaux et ceux de leurs propriétaires et locataires. À partir de cette étape, nous avons commencé à numéroter le village par numération classique et les écarts par numérotation métrique. L’outil “Mes Adresses” a permis de calculer les numéros.
Je crois même me souvenir que vous avez fait évoluer l’outil car vous aviez besoin de plusieurs positions ?
Gilles Bossuet : Oui c’est vrai. Nous rencontrions des difficultés dans les écarts, l’entrée étant très souvent éloignée de la délivrance postale, parfois de plusieurs kilomètres. Il était indispensable, notamment pour les livreurs, de préciser plusieurs positions. Il reste encore des cas où la boîte aux lettres est implantée dans le village alors que la maison se situe dans un endroit très éloigné, inaccessible pour les livreurs. Au début, “Mes Adresses” permettait de renseigner une seule position, il a évolué pour qu’on puisse en préciser plusieurs et désormais l’information remonte dans la Base Adresse Locale. Nous en avons profité pour utiliser pleinement la gestion des positions et renseigner avec « bâtiment » les hangars agricoles, leur permettant de recevoir des livraisons. Nous avons également utilisé la position « parcelle » pour les dents creuses susceptibles d’être bâties — globalement la DZ, l’héliportage, les parkings, les terrains de jeu, etc. Nous choisissons la position « services techniques » pour répertorier tous les bâtiments techniques, réservoirs, local telecom, etc. La palette des positions utilisées comprend donc « entrée », « délivrance postale », « parcelle », et « service technique ».
Comment avez vous procédé ?
Gilles Bossuet : je travaillais une à deux heures le soir, quand j’en avais le temps. Je n’ai pas l’impression d’y avoir consacré un temps énorme. Nous avons organisé plusieurs petites réunions à la mairie avec le groupe de trois personnes et réalisé trois tournées sur le terrain, parfois accompagnés du maire, pour affiner des informations que nous n’arrivions pas à positionner sur le fond de carte de l’éditeur “Mes Adresses”. Nous avons utilisé la photographie aérienne pour positionner les maisons avec le plus de précision possible. Durant toute la démarche, les échanges de messages ont été très importants pour nous, quand je ne savais plus comment faire, que j’avais un doute. Si je n’avais pas eu ce support, j’aurais peut-être lâché prise.
Cet accompagnement va se renforcer, la LOI 3DS est désormais publiée et nous travaillons de concert avec l’IGN. De nouvelles communes vont utiliser “Mes Adresses”, des webinaires sont lancés, ainsi que des petits films. Et sur le terrain, nous allons mettre en place davantage de soutien. Et au-delà, il est plus intéressant et agréable de travailler avec d’autres personnes que seul.
Gilles Bossuet : les témoignages aussi sont très intéressants et importants. Le témoignage de la commune de Theizé m’a apporté de nombreuses informations.
Cela fut-il compliqué de trouver des noms ?
Gilles Bossuet : je ne sais pas pour le village mais pas dans les hameaux. Dans trois ou quatre hameaux, nous avons nommé la voie d’accès en utilisant le type de voie et le nom du hameau. Ce fut très simple, nous n’avons rien inventé. Nous avons utilisé les noms existants et j’ai ajouté les noms des lieux-dits qui étaient importants mais n’avaient pas d’habitation. Et nous avons publié la Base Adresse Locale le 1er mai 2021.
Et vous vous chargez de la mise à jour ?
Gilles Bossuet : effectivement, je me charge de la mise à jour pour l’instant. Dès qu’elle reçoit des remarques des habitants, la secrétaire de mairie me les transmet, je prends contact avec les personnes. Certaines ont refusé que la numérotation apparaisse à l’entrée des bâtiments, demandant qu’elle soit placée à la fin du chemin public. Nous avons répondu favorablement à leur demande. Comme nous avons renseigné le numéro de parcelle pour chaque adresse, les secours peuvent localiser précisément un numéro, donc le choix de la position est moins problématique. Effectivement, nous avons dernièrement ajouté les numéros des parcelles, une opération facile à faire en cliquant sur les numéros.
Pour la suite, avez-vous des souhaits ?
Gilles Bossuet : nous refaisons le site Internet de la commune pour une mise en ligne d’ici fin 2022. Nous souhaitons encapsuler la carte de la Base Adresse Locale. Nous avons déjà utilisé l’outil uMap pour référencer tout l’inventaire du patrimoine, les hébergements, les sentiers. Sorte de mini SIG, uMap est assez facile à utiliser. Et la Communauté de communes Alpes Provence Verdon — Sources de Lumière nous apporte son aide sur cet outil. Le gros avantage : la carte est dynamique et nous pourrons nous passer du webmaster pour la mise à jour, elle se répercutera sur le site Internet.
Le géomaticien de la communauté de communes m’a proposé son aide et nous allons voir comment procéder. Lorsqu’on importe la Base Adresse Locale actuelle dans uMap, la description du détail d’une adresse est un peu compliquée. Il doit y avoir une astuce, à moins qu’il faille disposer d’un fichier .csv simplifié. Nous allons essayer quand même, car le fichier précise les multipositions, ce qui est une très bonne chose. Nous avons importé la base du patrimoine, quand on clique sur un bâtiment, les informations s’affichent avec la photo. Il y a peut être une manipulation à opérer sur le fichier adresse pour obtenir un résultat voisin.
L’adresse peut être valorisée, vous transformez l’essai au-delà de l’obligation d’adresse.
Gilles Bossuet : au sujet des hameaux, nous avons également un peu innové. Dans la numérotation des écarts, nous n’avons pas renommé les voies mais conservé les noms des routes départementales. Je ne voyais pas comment procéder, ces voies disposant déjà de panneaux et mesurant des kilomètres. Au bas de chaque numéro, nous avons précisé le nom du lieu-dit. C’est important, chacun sait où il est en regardant le numéro. Sans cela, les noms des lieux-dits ne seraient pas renseignés, à part sur les cartes.
C’est une très bonne idée pour identifier les numéros. La loi change sur le point des plaques de numéros, la mention devient par « arrêté du maire » au lieu de « pour la première fois à la charge des communes ». Les communes ont donc le choix de payer ou pas ces plaques.
Gilles Bossuet : grâce à notre tableur qui recense toutes les adresses, la secrétaire de mairie a pu définir à qui à distribuer les plaques. Nous n’en avons pas délivré pour les dents creuses, les ruines, les bâtiments sans boîte aux lettres afin d’éviter d’acheter des plaques inutilisées.
Et autre pratique vertueuse, vous échangez avec d’autres communes
Gilles Bossuet : en effet la commune de Mison nous a contactés. C’est très enrichissant, tout comme les échanges que nous avons eu avec la commune de La-Palud-sur-Verdon. Nous avons une difficulté, une question ? Nous pouvons en discuter et je trouve cela très bien.
Nous sommes en train de réfléchir sur la manière de dynamiser ces démarches. Il faudrait trouver une manière entre les communes, pour que vous puissiez vous identifier, vous contacter pour échanger comme vous le souhaitez.
Gilles Bossuet : je ne suis pas certain que l’échelon national soit une bonne solution car je ne me retrouve pas du tout dans les préconisations du Pays Basque par exemple. Il faudrait mettre en place des forums locaux, par région ou département. Quand une personne de Mison me contacte, je comprends tout de suite la situation, nous avons le même genre de paysages. Nous avons les mêmes problématiques avec les communes voisines. Je risque de ne pas avoir les mêmes avec une commune plus éloignée. Il faudrait regrouper par régions.
C’est une très bonne idée. Nous allons lancer l’idée. Avez vous d’autres souhaits ?
Gilles Bossuet : j’attends avec impatience que les opérateurs s’approprient nos adresses pour communiquer davantage auprès des habitants et leur donner le lien vers leur carte. Pour le moment, l’information est un peu brute et je ne voudrais pas les décourager. J’espère que Google va s’approprier notre Base Adresse Locale, ce serait une accélération incroyable.
Une personne nous a rejoint pour dynamiser le « Dites-le nous une fois » de l’adresse et rencontre les réutilisateurs, dont les opérateurs de GPS, La Poste, etc.
Gilles Bossuet : jusqu’à preuve du contraire, c’est aux communes d’informer les opérateurs ?
Nous ne demandons pas aux communes d’informer les opérateurs privés, nous n’en avons pas le droit pour des raisons de distorsion de concurrence. Nous conseillons d’informer leurs partenaires en leur envoyant le lien vers leur page Base Adresse Nationale. Effectivement, jusqu’à présent la seule obligation légale pour une petite commune était de communiquer ses adresses à la DGFiP* — pour le moment car le « dites-le-nous une fois » de l’adresse devrait simplifier les choses avec la LOI3DS.
Est-ce que la communauté de communes vous aide sur les adresses ?
Gilles Bossuet : au début de la démarche je leur ai écrit pour demander s’ils pouvaient m’aider, ils n’ont pas répondu. Par contre, ils ont proposé leur aide pour le site Internet et le géomaticien a proposé d’utiliser uMap. Il va nous aider, notamment à réaliser les légendes. J’aurais un dernier souhait : j’aimerais que la gestion des positons soit plus détaillée, que les explications soient plus développées car j’ai buté sur ce sujet. Enfin, nous rencontrons un cas particulier, celui des cabanes d’alpages. Comment procéder pour réaliser l’adressage ? La cabane est accessible à pied ou par hélicoptère. Il n’existe pas de voie mais il est important de placer une adresse car une personne y réside tout l’été, très isolée.
Il faudrait dans ce cas raccrocher la bergerie à la voie la plus proche en précisant la position au bâtiment en ajoutant le nom du lieu-dit. Il y a bien une voie qui monte par où arriver ? Et préciser la position bâtiment sur la bergerie. Si la voie s’arrête à plusieurs kilomètres, vous pouvez peut être nommer le chemin en lui donnant le nom de la bergerie (Chemin de …) ? Les voies de montagnes peuvent être nommées, en travaillant avec les commissions syndicales qui gèrent les estives par exemple ?
Entretien réalisé le 22 février 2022
Pour aller plus loin :
*Pour une commune de 2000 à 3500 habitants car au-delà, la commune devait communiquer ses adresses en open data et au-delà de 10 000 habitants également renseigner le RIL de l’INSEE. Avec l’adoption de la LOI3DS, toutes les communes doivent mettre à jour leurs adresses, voir : Que va changer la loi 3DS pour les communes sur leurs adresses ?
Base Adresse Locale de Rougon en consultation : https://mes-adresses.data.gouv.fr/bal/608d7a90b47fd850f52fbb6e/communes/04171
La page d’information commune sur les adresses de Rougon : https://adresse.data.gouv.fr/commune/04171